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1940-1952 : Une succession de courtes occupations


Le camp du Moulin du Lot aux environ de 1943

1940

L’exode des Français

Au début de la guerre, les camps ont servi d’hébergement temporaire pour les civils de l’exode de mai 1940. Les populations évacuées du Nord de la France et de Belgique trouvent refuge dans les baraquements pendant quelques semaines, tout comme les Alsaciens refusant de redevenir allemands.

1940 : la municipalité accorde des aides aux réfugiés de guerre
1940 : la municipalité accorde des aides aux réfugiés de guerre


1941

Montcalm et la révolution nationale 

A partir de juillet 1940, le gouvernement de Vichy met en place les « Chantiers de la jeunesse française », une organisation paramilitaire, d’abord pour rassembler et encadrer les jeunes hommes récemment démobilisés puis comme substitut au service national. L’incorporation des jeunes gens de 20 ans est obligatoire pour une durée de huit mois en zone libre. Cette action s’inscrit dans la politique de formation de la jeunesse dans la perspective de la « révolution nationale » du gouvernement de Vichy, idéologie d’une droite réactionnaire, corporatiste, s’appuyant sur des valeurs traditionnelles (travail, famille, patrie) plutôt que démocratiques, prônant le respect de la hiérarchie, de la discipline, le culte du chef, de l’honneur, et l’exaltation du retour à la terre contre le modernisme culturel et urbain.

Deux groupements sont créés en Lot-et-Garonne, dont le « CJF 36 MONTCALM » établi initialement à Casteljaloux qui sera transféré aux camps du Moulin du Lot à Sainte-Livrade et de la Glaudoune à Casseneuil en 1941. Il est composé de jeunes gens qui viennent remettre en état de culture les terrains de la poudrerie avant leur restitution aux civils. Le PC du groupement est implanté à proximité, au château de Miquel. Les jeunes se montrent généralement peu enthousiastes à l’égard des idées de la révolution nationale et les rapports de l’époque, les correspondances, les témoignages montrent qu’ils n’apprécient guère ce stage forcé dans la nature, loin de tout.

Certains, qui avaient déjà fui la zone occupée, désertent les chantiers et deviendront des résistants en 1944, date de dissolution des chantiers dans toute la France. Dans le canton de Sainte-Livrade, les souvenirs des chantiers de jeunesse sont ténus. Les personnes les plus âgées se souviennent essentiellement de jeunes en uniforme, travaillant à la remise en état des terrains de la poudrerie, vivant en plein air, dans des conditions spartiates, sportives, au rythme des saluts aux couleurs et de chants. Le GT 36 Montcalm a laissé de son passage une rue dite « des chantiers de jeunesse » près du lycée agricole et une stèle commémorative. Les plus avertis évoquent aussi, dans la campagne, au bord d’une petite route, « la prison » du chantier de jeunesse, un petit bâtiment de la poudrerie, en ruines, dans lequel, paraît-il, on enfermait les récalcitrants à la vision du maréchal.

Il existerait toujours une amicale des anciens chantiers de jeunesse, créée en 1968 et basée aujourd’hui à Marseille.


1942 : Le camp de Casseneuil, point de départ des juifs vers les camps d'extermination

A Casseneuil, le «camp de la gare» servit de centre de transit en août et septembre 1942 pour 448 Juifs réfugiés dans le département.

Les Juifs en Lot-et-Garonne pendant la Seconde Guerre mondiale

Les Juifs sont peu nombreux en Lot-et-Garonne avant les années 1930. Mais avec la guerre et l’intensification des persécutions, les arrivées de réfugiés se multiplieront. Le nombre des réfugiés augmente jusqu’en 1942. Les mesures répressives frappent particulièrement les juifs étrangers les obligeant à se déplacer. Certains sont assignés à résidence, quelques-uns sont internés dans les camps du Sud-Ouest, mais la majorité des hommes de 18 à 45 ans sont enrôlés dans les Groupements de Travailleurs Etrangers (GTE).

En Lot-et-Garonne, les Juifs étrangers encadrés sont 448 en 1942 et répartis principalement dans trois GTE dont le 536ème GTE basé à Casseneuil. Ce groupement est composé d’une majorité d’Espagnols mais également de 109 Juifs dont 10 seulement travaillent à la poudrerie et sont logés sur place. Les autres sont détachés aux travaux à l’extérieur.

Annexe :  Juin 1941, rapport de police à propos de l'arrestation d’un juif à Prayssas

Le temps des rafles annonçant l’horreur des camps

La situation s’aggrave avec la mise en oeuvre de la «solution finale», à savoir l’extermination des Juifs par les nazis. En juin 1942, sous le prétexte fallacieux d’une nécessité de main-d’oeuvre en Europe de l’Est, Himmler exige de la France, la déportation de 100 000 Juifs. Le gouvernement de Vichy se soumet aux ordres des nazis. Pour épargner les Juifs de nationalité française, des Juifs étrangers seront acheminés de la zone libre vers la zone occupée.

En Lot-et- Garonne, c’est le camp de la gare à Casseneuil qui est choisi pour remplir la fonction de transit avant le départ vers d’autres camps. 700 personnes furent répertoriées pour y être envoyées. Certaines furent averties et purent s’enfuir ou se cacher. Ce ne sera malheureusement pas le cas de 380 personnes auxquelles vint s’ajouter une
soixantaine de clandestins.

Le 23 août 1942, un groupe de 62 hommes, du 308ème GTE rejoint à pied le camp de Casseneuil. Quelques-uns réussiront à s’échapper mais une soixantaine sera acheminée dans des wagons à bestiaux vers Drancy via Penne d’Agenais.

Le 26 août, la rafle des familles commence au petit matin. Les autorités ont, en principe, autorisé les familles à emporter 30 à 50 kilos de bagages à main. 69 autres personnes sont aussi conduites au camp, arrêtées pour avoir essayé de franchir clandestinement la ligne de démarcation. Au soir du 26 août, plusieurs centaines de personnes se retrouvent ainsi enfermées dans le camp de Casseneuil, où sont encore présents des travailleurs espagnols du chantier de la poudrerie.

Un camp dans le camp

L’arrivée des Juifs occasionne un nouvel aménagement pour séparer les deux populations. La partition des lieux est matérialisée par une clôture de barbelés interne. D’un côté, « le camp des Israélites », de l’autre celui de quelques travailleurs espagnols encore présents.

Dès le lendemain de la rafle, le 27 août, le camp est mis au secret jusqu’au 3 septembre, date de départ du premier et plus important convoi. En-dehors de quelques personnes d’organismes d’aides désignées par le chef du camp, il n’est pas question de visites, encore moins de permissions de sorties et les courriers pour l’extérieur ne sont autorisés que pour les cas de renseignements familiaux ou liquidation d’intérêts.

Le sort des personnes dépend de la décision rendue par la « commission de criblage ». Après examen des situations des familles, elle statue : exemption ou déportation. Les premiers arrivants, travailleurs encadrés du 23 août ne restent au camp que quelques heures, le temps de passer devant la commission. Les partants sont déportés le soir même. Pour les raflés du 26 août, le passage au camp de Casseneuil est plus long, une semaine, très éprouvante. Les « exemptés » sont libérés au fur et à mesure que leur situation est examinée, les « déportables », eux, resteront là jusqu’au 3 septembre, date à laquelle ils seront acheminés vers Drancy, puis le camp d’Auschwitz. D’autres, dont la situation pose question à la commission, sont maintenus à Casseneuil quelques jours de plus avant d’être, le plus souvent, envoyés vers le camp de Rivesaltes puis à leur tour vers les camps de la mort.


1943 - Les premiers aviateurs


En mai 1943, 65 élèves de l’école de l’air (promotion Tricaud), intégrés aumouvement « Jeunesse et montagne » (organisation soeur des Chantiers de Jeunesse et ancêtre de l’UCPA) sont envoyés par leurs supérieurs au camp du Moulin du Lot à Sainte-Livrade, pour leur éviter le STO en Allemagne. Ils intègrent là un bataillon de défense passive
(pompiers de l’air). En juillet, la menace du STO en Allemagne se précise et une partie des jeunes quittent le camp pour rejoindre la Résistance. Les autres resteront sans être inquiétés et quitteront Sainte-Livrade en janvier1944.

1943 - Les tirailleurs coloniaux

En 1943, des soldats coloniaux, annamites, tunisiens, sénégalais, rapatriés sanitaires, sont cantonnés pendant quelques mois à Casseneuil et à Sainte-LIvrade. Ils ne semblent pas avoir laissé d’empreinte significative dans les lieux ou les mémoires locales.


1945 - Les prisonniers de guerre

A la Libération, les camps servent à l’internement des prisonniers de guerre. A Casseneuil, au «camp de la gare», ils sont sept cents prisonniers soviétiques dont un certain nombre d’Ukrainiens. Ce sont soit des prisonniers des Allemands, réquisitionnés sur les chantiers allemands (mur de l’Atlantique, bases sous-marines) soit des transfuges ayant servi dans les rangs de l’armée allemande.

On compte aussi des hommes originaires des steppes d’Asie Centrale dont le faciès caractéristique a frappé la population locale qui évoque les « Mongols » à Casseneuil. Il ne semble pas y avoir de traces concrètes de la présence de cette population qui a laissé, paradoxalement, dans les mémoires, un souvenir aussi flou que vif. On relève quelques anecdotes racontées sur les moeurs «des Mongols» qui ont impressionné les esprits, notamment leurs baignades, nus, dans l’eau glacée du Lot, la forte consommation d’alcool, les bagarres au couteau, et l’agression de plusieurs habitants de la ville par un « Russe résidant au camp » qui amènera le maire à interdire « la circulation en ville de tout sujet russe ».

1945 / 1947 - Le retour des aviateurs

Dans la période de l’immédiat après-guerre, de 1945 à 1947, un centre d’instruction des élèves de l’armée de l’air de la région de Bordeaux fut installé aux camps de Bias, de Sainte-Livrade et de la Glaudoune à Casseneuil. Selon un ancien élève, les effectifs par camp étaient d’environ 100 personnes en attente de place dans les écoles de pilotage, qui effectuaient là pendant six mois une formation de comptable ou de secrétaire. Les conditions de vie étaient, comme pour tout camp militaire, spartiates : paillasses sur des lits de bois sur trois étages, rationnement alimentaire de l’après guerre.

Malgré leur court séjour, le souvenir du passage de ces jeunes hommes, de belle prestance dans leurs uniformes, est resté vif. La mémoire de ce groupe n’est alimentée que par quelques anecdotes dans la population locale : l’ouverture du dancing, le « Tivoli », les unions de jeunes stagiaires avec des jeunes filles de la région. Selon les témoignages, la présence de cette population a contribué à redynamiser la cité livradaise et leur départ en 1947 a été vécu comme une perte sur le plan économique.


1948 / 1952 - Les requis Indochinois

De 1948 à 1951, les campsde Bias et de Sainte-Livrade furent le lieu d’internement de travailleurs indochinois, requis au début de la guerre pour pallier l'insuffisance de maind'oeuvre, du fait de la mobilisation des hommes valides.Ils étaient en instance de rapatriement vers leur pays, au même titre que les tirailleurs indochinois cantonnés dans les casernes. Ce rapatriement ne débuta qu’en juin 1950, avec le rétablissement des liaisons maritimes.

Les camps accueillirent dès juin 1948 une compagnie de travailleurs indochinois dépendant de la Direction de Toulouse. En juillet 1948, l’effectif était de quelques 1680 individus. En novembre de la même année le transfert des travailleurs de Sainte-Livrade vers Bias fut décidé en vue d’un rapatriement d’un premier contingent vers la colonie. Un an plus tard, en juillet 1949, le camp de Bias ne comptait plus que 508 hommes dont 365 ne travaillaient pas, 106 autres étaient affectés à la briqueterie de Libos et 37 autres placés chez différents employeurs de la région.

La venue des Indochinois à Sainte-Livrade n'allait pas se dérouler sans heurts. Déjà, en avril 1948 le conseil municipal de Sainte-Livrade avait voté une motion pour protester contre cette décision. Si une partie de l'opinion publique livradaise vivait avec méfiance l'arrivée des Indochinois, le reste de la population semblait plutôt s'accommoder de leur présence. Cependant la chambre syndicale des maîtres-tailleurs ne vit pas du meilleur oeil la venue de ces travailleurs capables d'effectuer des travaux de confection à des tarifs défiant toute concurrence.Les distractions demeuraient souvent limitées aux jeux de cartes et de ballon, mais les sorties lors des fêtes de village faisaient l’objet de rencontres avec les femmes locales qui, pour certaines, leur donneront des enfants, entraînant leur installation définitive dans la région.

Quel qu'ait pu être leur statut, les Indochinois stationnés dans le département étaient largement infiltrés par les groupes de l'extrême gauche française mais surtout par des ramifications du Vietminh. Des velléités de révolte des Indochinois émergèrent dans les camps et les casernes pour revendiquer l'application de l'accord reconnaissant le Vietnam démocratique de Hô Chi Minh comme Etat indépendant au sein de l'Union Française. A Agen, les seules casernes Valence et Toussaint comptaient alors quelques deux mille tirailleurs en instance de rapatriement.

L'activité politique des travailleurs indochinois du camp du Moulin du Lot était importante. Les principaux meneurs organisaient des réunions au foyer. La présence de tous était obligatoire. Certains surveillaient la route et les abords du camp : à la moindre présence suspecte, l'alerte était donnée et la dispersion ordonnée. Les travailleurs qui refusaient la carte de la CGT étaient considérés comme des traîtres et subissaient des brimades de leurs pairs.

Quant aux militaires en garnison à Agen, ils informaient l'opinion publique des conditions de vie qu'ils enduraient et dénonçaient par la voix des journaux les brimades qu'ils subissaient, rappelant qu'ils furent des combattants de la Libération et qu'ils méritaient de ce fait plus d'égards de la part des autorités.

Afin qu’ils échappent aux maltraitances, les travailleurs indochinois les incitaient à demander leur admission dans les compagnies de travailleurs où ils bénéficiaient d'une plus grande « liberté ». C'était la meilleure manière pour eux d'obtenir des possibilités de formation et d'apprentissage professionnels dans l'attente de leur rapatriement, ainsi qu’un traitement moins brutal. Les deux catégories d’individus formant le groupe des Indochinois étaient intimement liées.

Du fait du particularisme des requis stationnés à Bias et Sainte-Livrade, ils furent considérés par les autorités comme étant les plus réfractaires, les plus dangereux, à rapatrier en priorité.

Ce n'est que fin 52, en pleine guerre d’Indochine, que s’achèvera le rapatriement des Indochinois vers la colonie d'origine où certains continueront leur activité dans les rangs du Vietminh.

D'après Pôleth Wadbled, Matthieu Samel et Joël Combres dans Ancrage, « L'internationale de la poudrerie », 2011.


Conseil municipal de Sainte-Livrade, délibération du 15 avril 1948 protestant contre l'envoi d'Indochinois au camp du Moulin du Lot

Mr le maire expose au conseil que des bruits que l'on a tout lieu de croire fondés circulent depuis quelque temps faisant entrevoir qu'il serait question d'envoyer au camp du moulin du Lot, actuellement inoccupé, un contingent de travailleurs indochinois venus de la poudrerie de Bergerac. Il demande à l'assemblée d'émettre son avis sur cette importante question. Après avoir délibéré, le conseil considérant
  • que le camp du moulin du Lot, situé à une distance de plus d'un kilomètre de l'agglomération, construit, à titre provisoire, il y a neuf ans, ne répond plus aux nécessités de l'heure à cause du mauvais état des baraques,
  • que la surveillance indispensable, en pareille circonstance, ne peut être assurée efficacement, à cause du trop petit nombre de gendarmes composant la brigade d'un chef-lieu de canton,
  • qu'une caserne dans une grande ville serait mieux indiquée qu'un camp, insuffisamment clos, situé en pleine campagne au milieu de vergers et de cultures de toutes sortes, principalement de pruneaux,
  • se défend de vouloir jeter le discrédit sur des hommes qu'il considère comme malheureux et victimes d'événements dont l'assemblée ne pourrait supporter la responsabilité la plus minime,
  • déclare protester énergiquement contre la perspective d'avoir à fournir des logements aux cadres de cette troupe alors que des familles nombreuses, prioritaires, sont très mal logées ou pas du tout,
  • prend la décision de donner un avis défavorable au projet ci-dessus exposé, en spécifiant que le conseil municipal de Ste Livrade sur Lot, fera opposition par tous les moyens en son pouvoir, allant, si cela est nécessaire jusqu'à la démission collective.

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